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Le journal d'un khâgneux
7 septembre 2011

Soir

Cette journée s'est mieux passée que ce que j'imaginais. De une, Mme.Latin a trouvé normal qu'un élève sur trois seulement ait fait les traductions. De deux, malgré mon ignorance de la salle de cours, je suis arrivé à l'heure. Enfin, juste à la fin de l'appel, ce qui revient au même. De trois, le texte qu'on a vu ne m'a pas semblé excessivement difficile, je suis capable de le comprendre et probablement d'en traduire quelques lignes d'une façon tout à fait correcte.

L'histoire. Il faut que je parle de M.Histoire. M.Histoire c'est le deuxième penchant de M.Philo: il est excellent, mais je n'arrive pas à l'aimer autant. Principalement parce qu'il me déteste, ou alors parce qu'il a été tellement déçu que je ne lui rende pas un devoir l'année dernière qu'il a perdu tout espoir en moi, mais à chaque fois qu'il me regarde je vois une menace, comme une sorte de colère. Alors je sais qu'en prépa, avec la fatigue, le stress, le manque de sommeil, les devoirs, le surmenage, la malbouffe, les mauvaise conditions de santé, la pression, on risque un jour ou l'autre de développer des pathologies mentales comme par exemple la paranoïa, mais comme ni Mme.Latin, ni Mme.Math, ni M.Eco ne m'ont grogné comme il m'a grogné, je crois que je suis encore relativement sain et capable de voir si oui ou non on me hait.

Mais je ne peux pas le haïr pour autant. Il m'apprend trop de choses toutes fascinantes et nécessaires à la compréhension du monde. Non pas le monde physique au sens des interactions fondamentales entre les différentes particules, mais le monde social, le monde humain, et le monde sur-humain au sens où les états, les nations et les idées dépassent habituellement les hommes. Et pour tout ça, je ne peux pas le haïr. Je devrais peut-être l'implorer à genoux de me pardonner, d'autant qu'il serait capable de le faire (était considéré par beaucoup comme un gros nounours), mais j'ai une impression qui me fait croire qu'il a la rancune tenace. Objectif: m'éloigner de ses dents. On ne sait jamais.

J'ai levé tous mes doutes sur mon écriture: M.Eco m'a dit que ce sera parfait si j'écris comme je le fais, que c'est parfaitement lisible, que tout va bien, circulez M.Le gentil étudiant. Son cours, nettement mieux structuré et mieux compris (par lui-même) que par son prédécesseur, m'a enfin fait comprendre comment fonctionne la compabilité nationale (du moins en partie): origine des compatibilités à doubles entrées, on prend en compte la comptabilité des ménages, des entreprises non financières à but commercial, des sociétés financières, des Administrations publiques et des Associations (ou ISBLM, machin sans but lucratif pour truc. Un mot long que je vais revoir après cette note).

Quant à Mme.Math, je peux enfin m'avouer heureux. Sachez que pendant toute l'année dernière, j'ai dormi en maths. Une année de math sup, ça dépasse de loin le programme des B/L, et quand on en arrive à ROLLE au début de la khâgne, on a du mal à ne pas rire. Je crois que je l'ai traité pour la première fois il y a un an et six, neuf mois. Toujours aussi beau et simple, Rolle. Si je ne suis pas un élève modèle dans la plupart des matières de ma classe, et que je déconseille fortement de prendre mon avis ou d'utiliser quoi que ce soit que j'écrive ici comme micro-cours, vous pouvez tout de même en croire mon avis sur les maths pour une classe de B/L: Mme.Maths, elle s'y connaît, elle aime ce qu'elle fait, et elle laissera personne lui passer dessus. Même des khâgneux voulant dire à leurs jeunes bizuts qu'ils auront leur soirée d'intégration la semaine prochaine, que c'est une tradition, NON, "J'aimerais bien faire cours". Et comme elle s'y connaît en maths, qu'elle fait des démonstrations tout à fait élégantes et des exercices qui me font enfin réfléchir sur "comment vais-je utiliser ce théorème qui date d'avant ma majorité", je ne peux vraiment que l'aimer. Même mon parrain, qui se trouve aussi être mon filleul au terme d'une histoire compliquée, et qui était le major dans sa khâgne, et qui a cubé, n'a pas su aller au bout du problème ni trouver une solution élégante. Il a tenté un coup mais c'était la mauvaise direction (et je l'avais pressenti pour tout dire). Etant les deux seuls vrais matheux de cette classe, nous fûmes donc deux à comprendre ce qui s'est déroulé. Et ensemble, nous pouvons dire: "J'aime Mme.Maths"

 

Je suppose qu'une fois de plus j'apparaît comme un bisounours à déclarer que j'aime tout et tout le monde, mais le fait est là: de toute ma journée, la seule chose que j'ai détesté est le retard de ma mère à midi pour me donner de quoi manger, et la réaction de notre "organisatrice" de soirée d'intégration qui n'avait rien organisé et qui pensait encore délayer d'une semaine. Problème: quand on ne fait rien, en politique (et je suppose qu'on peut nommer ça de la politique), on laisse le temps aux autres d'agir.

Un peu comme à starcraft, un jeu de stratégie en temps réel. Plus on va vite sur le clavier et la souris, plus on peut faire de choses, et au final on arrive à être limités par l'engin de départ et la production constante. Et avant ça, on peut avoir les meilleures idées et intentions du monde, on n'est juste pas capable de faire autant. On meurt.

C'est un peu triste qu'on ne meure pas en politique, en vérité.

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